80 Sir Arthur Conan Doyle - Jim Harrison, boxeur Page 80

C'est là que pendant bien des années, qui aboutirent à une tranquille et heureuse vieillesse, vécurent Jack Harrison et sa femme.

Ils reçurent ainsi au couchant de leur vie les soins et l'affection qu'ils avaient prodigués. Jamais Jack Harrison n'enjamba désormais le ring de vingt-quatre pieds, mais l'histoire de la grande lutte entre le forgeron et l'homme de l'Ouest est encore familière aux vieux fidèles du ring et rien ne lui plaisait plus que de la recommencer dans toutes les péripéties et tout en restant assis sous son auvent couvert de roses. Mais dès qu'il entendait le bruit de la canne de sa femme se rapprocher, il se mettait à parler d'autre chose, du jardin et de son avenir, car elle était toujours hantée par la crainte de le voir retourner au ring et, pour peu qu'elle restât une heure sans voir le vieillard, elle était convaincue qu'il était allé disputer la ceinture, au champion du jour, un parvenu.

«Il livra le bon combat», inscrivit-on à sa prière, sur sa pierre funéraire, et quoique je sois convaincu que ses dernières pensées furent pour Baruch le Noir et Wilson le Crabe, aucun de ceux qui le connaissaient ne se refusait à voir un sens symbolique dans ce résumé de sa vie d'honnête et vaillant homme.

Sir Charles Tregellis continua pendant quelque temps à montrer ses couleurs écarlate et or à Newmarket et ses inimitables costumes à Saint-James.

Ce fut lui qui inventa de mettre des boutons et des boucles au bas des pantalons de grande cérémonie et lui aussi qui ouvrit des perspectives nouvelles par ses recherches sur les mérites comparés de la colle de poisson et de l'empois dans le repassage des devants de chemise.

Les vieux beaux, s'il en reste encore d'égarés dans les coins chez Arthur ou chez White, se rappellent peut-être un arrêt rendu par Tregellis: à savoir que, pour qu'une cravate ait la raideur convenable, il faut qu'en la prenant par un des angles on la soulève aux trois quarts. Il y eut alors le schisme d'Alvanley et de son école, qui déclarèrent que c'était assez de la moitié.

Puis vint le règne de Brummel et la rupture déclarée au sujet des collets de velours où toute la ville marcha derrière le nouveau venu.

Mon oncle, qui n'était point né pour passer au second rang après n'importe qui, se retira aussitôt à Saint-Albans et annonça qu'il en ferait le centre de la mode et de la société pour remplacer Londres dégénéré. Toutefois, le maire et le conseil, lui ayant voté une adresse de remerciements pour ses projets bienveillants envers la ville et ayant commandé à Londres des vêtements pour cette circonstance, parurent tous avec des collets de velours.

Cela produisit chez mon oncle un tel découragement qu'il se mit au lit et ne parût plus en public.

Sa fortune, par suite de laquelle une noble existence avait peut- être été manquée, fut répartie en un grand nombre de petits legs. L'un d'eux était destiné à Ambroise, son valet, mais il en réserva à sa soeur, ma mère, assez pour lui faire une vieillesse aussi ensoleillée, aussi agréable que je le pouvais désirer.

Quant à moi, fil sans valeur auquel sont enfilés ces grains, j'ose à peine ajouter quelques mots sur mon propre compte, de peur que ces mots par lesquels je dois finir mon chapitre ne servent de commencement à un autre.

Si je n'avais pas pris la plume pour vous raconter une histoire de terrien, j'aurais peut-être réussi à vous faire un meilleur récit de marin, mais on ne peut pas mettre dans un seul cadre deux tableaux destinés à se faire vis-à-vis.

Le jour viendra peut-être où je mettrai par écrit tous les souvenirs que j'ai gardés de la grande bataille qui se livra sur mer.

J'y dirai comment mon père y finit sa glorieuse carrière en frottant la peinture de son navire contre celle d'un vaisseau espagnol de quatre-vingts canons et celle d'un vaisseau espagnol de soixante-quatorze.

Il tomba sur sa poupe brisée en mangeant une pomme.

Je vois les barres de fumée en cette soirée d'octobre tournoyer lentement sur les flots de l'Atlantique, puis se lever, monter, monter, jusqu'à ce qu'ils fussent déchirés ces légers flocons et perdus dans l'infini bleu du ciel. Et en même temps qu'eux se leva le nuage qui était resté suspendu sur le pays. Il s'amincit, s'atténua de même, jusqu'au jour où le soleil de Dieu, l'astre de paix et de sécurité, vint encore briller sur nous et cette fois, nous l'espérons, sans crainte d'un obscurcissement nouveau.

Jim Harrison, boxeur

Arthur Conan Doyle

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