�� et l�, la monotonie du paysage �tait diversifi�e par des escarpements dentel�s, form�s par de rudes saillies du granit gris.
On e�t dit que le sol avait subi une blessure effrayante par o� les os fractur�s avaient perc� leur enveloppe.
Au loin se dressait une cha�ne de montagnes que dominait un pic isol� surgissant parmi elles, et se drapant coquettement d�une guirlande de nuages, o� se r�fl�chissait la nuance rouge du couchant.
-- C�est Ingleborough, dit mon compagnon en me d�signant la montagne avec son fouet, et ici ce sont les Landes du Yorkshire. Nulle part en Angleterre, vous ne trouverez de r�gion plus sauvage, plus d�sol�e. Elle produit une bonne race d�hommes. Les milices sans exp�rience qui battirent la chevalerie �cossaise � la Journ�e de l��tendard venaient de cette partie du pays. Maintenant, sautez � bas, vieux camarade, et ouvrez la porte.
Nous �tions arriv�s � un endroit o� un long mur couvert de mousse s��tendait parall�lement � la route.
Il �tait interrompu par une porte coch�re en fer, � moiti� disloqu�e, flanqu�e de deux piliers, au haut desquels des sculptures, taill�es dans la pierre, paraissaient repr�senter quelque animal h�raldique, bien que le vent et la pluie les eussent r�duites � l��tat de blocs informes.
Un cottage en ruine qui avait peut-�tre, il y a longtemps, servi de loge, se dressait, � l�un des c�t�s.
J�ouvris la porte d�une pouss�e, et nous parcour�mes une avenue longue et sinueuse, encombr�e de hautes herbes, au sol in�gal, mais bord�e de ch�nes magnifiques, dont les branches, en s�entrem�lant au-dessus de nous, formaient une vo�te si �paisse que le cr�puscule du soir fit place soudain � une obscurit� compl�te.
-- Je crains que notre avenue ne vous impressionne pas beaucoup, dit Thurston, en riant. C�est une des id�es du vieux bonhomme, de laisser la nature agir en tout � sa guise. Enfin, nous voici � Dunkelthwaite.
Comme il parlait, nous contourn�mes un d�tour de l�avenue marqu� par un ch�ne patriarcal qui dominait de beaucoup tous les autres, et nous nous trouv�mes devant une grande maison carr�e, blanchie � la chaux, et pr�c�d�e d�une pelouse.
Tout le bas de l��difice �tait dans l�ombre, mais en haut une rang�e de fen�tres, �clair�es d�un rouge de sang, scintillaient au soleil couchant.
Au bruit des roues, un vieux serviteur en livr�e vint, tout courant, prendre la bride du cheval d�s que nous avan��mes.
-- Vous pouvez le rentrer � l��curie, �lie, dit mon ami, d�s que nous e�mes saut� � bas... Hugh, permettez-moi de vous pr�senter � mon oncle J�r�mie.
-- Comment allez-vous? Comment allez-vous? dit une voix chevrotante et f�l�e.
Et, levant les yeux, j�aper�us un petit homme � figure rouge qui nous attendait debout sous le porche.
Il avait un morceau d��toffe de coton roul�e autour de la t�te, comme dans les portraits de Pope et d�autres personnages c�l�bres du XVIIIe si�cle.
Il se distinguait en outre par une paire d�immenses pantoufles.
Cela faisait un contraste si �trange avec ses jambes gr�les en forme de fuseaux qu�il avait l�air d��tre chauss� de skis, et la ressemblance �tait d�autant plus frappante qu�il �tait oblig�, pour marcher, de tra�ner les pieds sur le sol, afin que ces appendices encombrants ne l�abandonnassent pas en route.
-- Vous devez �tre las, Monsieur, et gel� aussi, Monsieur, dit-il d�un ton �trange, saccad�, en me serrant la main. Nous devons �tre hospitaliers pour vous, nous le devons certainement. L�hospitalit� est une de ces vertus de l�ancien monde que nous avons conserv�es. Voyons, ces vers, quels sont-ils:
Le bras de l�homme du Yorkshire est leste et fort Mais �! comme il est chaud, le coeur de l�homme du Yorkshire!
�Voil� qui est clair, pr�cis, Monsieur. C�est pris dans un de mes po�mes. Quel est ce po�me, Copperthorne?
-- La Poursuite de Borrodaile, dit une voix derri�re lui, en m�me temps qu�un homme de haute taille, � la longue figure, venait se placer dans le cercle de lumi�re que projetait la lampe suspendue en haut du porche.
John nous pr�senta, et je me souviens que le contact de sa main me parut visqueux et d�sagr�able.
Cette c�r�monie accomplie, mon ami me conduisit � ma chambre, en me faisant traverser bien des passages et des corridors reli�s entre eux � la fa�on de l�ancien temps par des marches in�gales.
Chemin faisant, je remarquai l��paisseur des murs, l��tranget� et la vari�t� des pentes du toit, qui faisait supposer l�existence d�espaces myst�rieux dans les combles.
La chambre qui m��tait destin�e �tait, ainsi que me l�avait dit John, un charmant petit sanctuaire, o� p�tillait un bon feu, et o� se trouvait une �tag�re bien garnie de livres.
Et, en mettant mes pantoufles, je me dis que j�aurais eu tort sans doute de refuser cette invitation � venir dans le Yorkshire.
Chapitre II
Lorsque nous descend�mes � la salle � manger, le reste de la maisonn�e �tait d�j� r�uni pour le d�ner.
Le vieux J�r�mie, toujours coiff� de sa singuli�re fa�on, occupait le haut bout de la table.
� c�t� de lui, et � droite, �tait une jeune dame tr�s brune, � la chevelure et aux yeux noirs, qui me fut pr�sent�e sous le nom de miss Warrender.