«Maintenant faisons un tas de pierres à l’endroit où nous sommes. C’est cela.
«À présent nous allons fixer solidement notre poteau indicateur au sommet. Voilà!
«Il faudrait un vent bien fort pour l’abattre et il nous suffit qu’il tienne bon jusqu’au matin.
«Oh! Jack, mon garçon quand je songe que nous parlions hier de nous faire employés, et vous qui répondiez que personne ne sait ce qui l’attend.
«Par Jupiter, Jack, voilà qui ferait une jolie nouvelle.
À ce moment, nous avions fixé solidement le piquet vertical entre deux grosses pierres.
Tom se baissa et visa au moyen du montant horizontal.
Il resta un bon quart d’heure à le faire monter et descendre tour à tour; enfin, poussant un soupir de satisfaction, il fixa le support dans l’angle et se redressa.
-- Regardez sur cette ligne, Jack, dit-il. Vous avez le coup d’oeil le plus juste que j’aie jamais rencontré.
Je regardai sur la mire.
Là-bas, à portée de la vue, brillait la tache scintillante.
On eût dit qu’elle était au bout de la mire, tant la visée avait été exactement faite.
-- Et maintenant, mon garçon, dit Tom, mangeons un peu et dormons.
«Il n’y a plus rien à faire cette nuit, mais demain nous aurons besoin de tout ce que nous aurons d’esprit et de force.
«Ramassons du bois et faisons un feu ici. Alors nous serons en état d’avoir l’oeil sur notre poteau indicateur et de veiller à ce que rien ne lui arrive pendant la nuit.
Nous fîmes du feu, et nous soupâmes pendant que le démon de la Sasassa nous contemplait face à face de son oeil mobile et étincelant.
Il continua de le faire pendant toute la nuit.
Toutefois ce ne fut pas toujours du même endroit, car, après souper, quand je regardai le long de la mire pour le revoir, il était entièrement invisible.
Mais cette information ne troubla nullement Tom; il se borna à cette remarque:
-- C’est la lune, et non l’objet, qui a changé de place.
Puis, se recroquevillant sur lui-même, il s’endormit.
Le lendemain, dès la pointe du jour, nous étions debout, et nous examinions le rocher au bout de notre mire. Nous ne distinguions rien, qu’une surface terne, ardoisée, uniforme, peut-être un peu plus raboteuse à l’endroit où arrivait notre ligne de mire, mais sans autre particularité remarquable.
-- Maintenant mettons à exécution votre idée, Jack, dit Tom Donahue, en déroulant d’autour de sa taille une longue ficelle, fixez-la par un bout, tandis que j’irai jusqu’à l’autre bout.
En disant ces mots, il partit dans la direction de la base de l’escarpement, en tenant un bout de la corde, pendant que je tirais sur l’autre en l’enroulant autour du piquet, et le faisant passer par la mire du bout.
De cette façon, je pouvais dire à Tom d’aller à droite ou à gauche.
Notre corde était maintenue tendue depuis son point d’attache, par le point de mire, et de là dans la direction du rocher, où elle aboutissait à environ huit pieds du sol.
Tom traça à la craie un cercle d’environ trois pieds de diamètre autour de ce point.
Alors il me cria de venir le rejoindre.
-- Nous avons combiné l’affaire ensemble, Jack, dit-il, et nous ferons la trouvaille ensemble, s’il y en a une.
Le cercle, qu’il avait tracé, comprenait une partie du rocher plus lisse que le reste, excepté au centre, ou se remarquaient quelques noyaux saillants et rugueux.
Tom m’en montra un en poussant un cri de joie.
C’était une masse assez irrégulière, de teinte brune, qui avait à peu près le volume du poing d’un homme, et qu’on eût pris pour un tesson de verre sale incrusté dans le mur escarpé.
-- C’est cela! s’écria-t-il, c’est cela!
-- Cela, quoi?
-- Eh! mon homme, un diamant, et un diamant tel qu’il n’y a monarque au monde qui n’en envie la possession à Tom Donahue! Jouez de votre barre de fer, et bientôt nous aurons exorcisé le démon de la vallée de Sasassa.
J’étais si abasourdi que pendant un instant je restai muet de surprise, à contempler le trésor qui était tombé entre nos mains de façon si inespérée.
-- Allons, dit Tom, passez-moi le levier. À présent, en prenant comme point d’appui la saillie qui sort ici du rocher, nous pourrons le faire sauter... Oui, il cède. Je n’aurais jamais cru qu’il serait venu aussi facilement... À présent, Jack, plus nous nous dépêcherons de retourner à la cabane, et de là d’aller au Cap, mieux nous ferons.
Chapitre V
Après avoir enveloppé notre trésor, nous reprîmes à travers les collines la route de la maison. Chemin faisant, Tom me conta qu’au temps où il étudiait le droit à Middle-Temple, il avait trouvé dans la bibliothèque une brochure poudreuse d’un certain Jans Van Hounym, qui racontait une aventure fort semblable à la nôtre, et qui était arrivée à ce brave Hollandais vers la fin du XVIIe siècle, aventure qui avait abouti à la découverte d’un diamant lumineux.
Ce récit s’était représenté à l’esprit de Tom pendant qu’il écoutait l’histoire de fantôme de l’honnête Dick Wharton.
Quant aux moyens inventés pour vérifier la supposition, ils étaient sortis de son fertile cerveau d’Irlandais.