-- � propos, Sir, puisqu'il est question de boxeurs, je donne � la Fantaisie un souper � l�h�tel la �Voiture et des Chevaux� vendredi prochain, dit mon oncle. Si par hasard vous vous trouviez � la ville, on serait tr�s heureux si vous condescendiez � faire un tour parmi nous.

-- Je n'ai pas vu une lutte depuis celle o� Tom Tyne, le tailleur, a tu� Earl, il y a environ quatorze ans; J'ai jur� de n'en plus voir et vous savez, Tregellis, je suis homme de parole. Naturellement je me suis trouv� incognito aux environs du ring, mais jamais comme Prince de Galles. -- Nous serions immens�ment fiers, si vous vouliez bien venir incognito � notre souper, Sir.

-- C'est bien! c'est bien! Sherry, prenez note de cela. Nous serons � Carlton-House vendredi. Le prince ne peut pas venir, vous savez, Tregellis, mais vous pouvez garder une chaise pour le comte de Chester.

-- Sir, nous serons fiers d'y voir le comte de Chester, dit mon oncle.

-- � propos, Tregellis, dit Fox, il court des bruits au sujet d'un pari sportif que vous auriez tenu contre Sir Lothian Hume. Qu'y a- t-il de vrai dans cela?

-- Oh! il ne s'agit que d'un millier de livres contre un millier de livres. Il s'est entich� de ce nouveau boxeur de Winchester, Crab Wilson, et moi j'ai � trouver un homme capable de le battre. N'importe quoi entre vingt et trente-cinq ans, � environ treize stone (52 kilos).

-- Alors, consultez Charlie Fox, dit le prince; qu'il s'agisse d'handicaper un cheval, de tenir une partie, d'appareiller des coqs, de choisir un homme, c'est lui qui a le jugement le plus s�r en Angleterre. Pour le moment, Charlie, qui avons-nous qui puisse battre Wilson le Crabe de Gloucester?

Je fus stup�fait de voir quel int�r�t, quelle comp�tence tous ces grands personnages t�moignaient au sujet du ring.

Non seulement ils savaient par le menu les hauts faits des principaux boxeurs de l'�poque -- Belcher, Mendoza, Jackson, Sam le Hollandais -- mais encore, il n'y avait pas de lutteur si obscur dont ils ne connussent en d�tail les prouesses et l'avenir.

On discute les hommes d'autrefois et ceux d'alors. On parla de leur poids, de leur aptitude, de leur vigueur � frapper, de leur constitution.

Qui donc, � voir Sheridan et Fox occup�s � discuter si vivement si Caleb Baldwin, le fruitier de Westminster, �tait en �tat ou non de se mesurer avec Isaac Bittoon, le juif, eut pu deviner qu'il avait devant lui le plus profond penseur politique de l'Europe, et que l'autre se ferait un nom durable, comme l'auteur d'une des com�dies les plus spirituelles et d'un des discours les plus �loquents de sa g�n�ration?

Le nom du champion Harrison fut un des premiers jet�s dans la discussion.

Fox, qui avait une haute opinion des qualit�s de Wilson le Crabe, estima que la seule chance qu'e�t mon oncle, �tait de r�ussir � faire repara�tre le vieux champion sur le terrain.

-- Il est peut-�tre lent � se d�placer sur ses quilles, mais il combat avec sa t�te, et ses coups valent les ruades de cheval. Quand il acheva Baruch le Noir, celui-ci franchit non seulement la premi�re mais encore la seconde corde et alla tomber au milieu des spectateurs. S'il n'est pas absolument vann�, Tregellis, il est votre espoir.

Mon oncle haussa les �paules.

-- Si le pauvre Avon �tait ici, nous pourrions faire quelque chose gr�ce � lui, car il avait �t� le patron de Harrison, et cet homme lui �tait d�vou�. Mais sa femme est trop forte pour moi. Et maintenant, Sir, je dois vous quitter car j'ai eu aujourd'hui le malheur de perdre le meilleur domestique qu'il y ait en Angleterre et je dois me mettre � sa recherche. Je remercie Votre Altesse Royale pour la bont� qu'elle a eue de recevoir mon neveu de fa�on aussi bienveillante. -- � vendredi, alors, dit le Prince en tendant la main. Il faudra quoi qu'il arrive que j'aille � la ville, car il y a un pauvre diable d'officier de la Compagnie des Indes Orientales qui m'a �crit dans sa d�tresse. Si je peux r�unir quelques centaines de livres, j'irai le voir et je m'occuperai de lui. Maintenant, Mr Stone, la vie enti�re s'ouvre devant vous, et j'esp�re qu'elle sera telle que votre oncle puisse en �tre fier. Vous honorerez le roi et respecterez la Constitution, Mr Stone. Et puis, entendez- moi bien, �vitez les dettes et mettez-vous bien dans l'esprit que l'honneur est chose sacr�e.

Et j'emportai ainsi l'impression derni�re que me laiss�rent sa figure pleine de sensualit�, de bonhomie, sa haute cravate, et ses larges cuisses v�tues de basane.

Nous travers�mes de nouveau les chambres singuli�res avec leurs monstres dor�s. Nous pass�mes entre la haie somptueuse des valets de pied et j'�prouvai un certain soulagement � me retrouver au grand air, en face de la vaste mer bleue et � recevoir sur la figure le souffle frais de la brise du soir.

VIII -- LA ROUTE DE BRIGHTON

Mon oncle et moi, nous nous lev�mes de bonne heure, le lendemain, mais il �tait d'assez m�chante humeur, n'ayant aucune nouvelle de son domestique Ambroise.

Il �tait bel et bien devenu pareil � ces sortes de fourmis dont parlent les livres, et qui sont si accoutum�es � recevoir leur nourriture de fourmis plus petites, qu'elles meurent de faim quand elles sont livr�es � elles-m�mes.

Il fallut l'aide d'un homme procur� par le ma�tre d'h�tel et du domestique de Fox, qui avait �t� envoy� l� tout expr�s, pour que mon oncle p�t enfin terminer sa toilette.

-- Il faut que je gagne cette partie, mon neveu, dit-il, quand il eut fini de d�jeuner. Je ne suis pas en mesure d'�tre battu. Regardez par la fen�tre et dites-moi si les Lade sont en vue.

-- Je vois un four-in-hand rouge sur la place. Il y a un attroupement tout autour. Oui, je vois la dame sur le si�ge.

-- Notre tandem est-il sorti?

-- Il est � la porte.

-- Alors venez, et vous allez faire une promenade en voiture comme jamais vous n'en avez vu.

Il s'arr�ta sur la porte pour tirer ses longs gants bruns de conducteur et donner ses derniers ordres aux palefreniers.

-- Chaque once a son importance, dit-il, Nous laisserons en arri�re ce panier de provisions. Et vous, Coppinger, vous pouvez vous charger de mon chien. Vous le connaissez et vous le comprenez. Qu'il ait son lait chaud avec du cura�ao comme � l'ordinaire! Allons, mes ch�ries, vous en aurez tout votre saoul, avant que d'�tre arriv�es au pont de Westminster.

-- Dois-je placer le n�cessaire de toilette? demanda le ma�tre d'h�tel.

Je vis l�embarras se peindre sur la figure de mon oncle, mais il resta fid�le � ses principes.

-- Mettez-le sous le si�ge, le si�ge de devant, dit-il. Mon neveu, il faut que vous portiez votre poids en avant autant que possible. Pouvez-vous tirer quelque parti d'un yard de fer blanc? Non, si vous ne le pouvez pas, nous allons garder la trompette. Bouclez cette sous-ventri�re, Thomas. Avez-vous graiss� les moyeux comme je vous l'avais recommand�? Tr�s bien. Alors, montez, mon neveu, nous allons les voir partir.

Un v�ritable rassemblement s'�tait form� dans l'ancienne place: hommes, femmes, n�gociants en habit de couleur fonc�e, beaux de la Cour du Prince, officiers de Hove, tout ce monde-l�, bourdonnant d'agitation, car Sir John Lade et mon oncle �taient les deux conducteurs les plus fameux de leur temps et un match entre eux �tait un �v�nement assez consid�rable pour d�frayer les conversations pendant longtemps.

Jim Harrison, boxeur Page 28

Arthur Conan Doyle

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