Vous deux, si vous avez besoin de quelque aide, venez me trouver.
Il nous fit un signe de tête et nous quitta.
Nous commençâmes à comprendre qu'un major, qui est votre officier, est un personnage fort différent d'un major qui se trouve être votre voisin de campagne.
Soit, mais à quoi bon vous ennuyer de toutes ces choses?
J'userais une quantité de bonnes plumes d'oie rien qu'à vous raconter ce que nous fîmes, Jim et moi, au dépôt de Glasgow, comment nous arrivâmes à connaître nos officiers et nos camarades, et comment ils firent notre connaissance.
Bientôt arriva la nouvelle que les gens de Vienne, occupés jusqu'alors à découper l’Europe en tranches comme s'il s'agissait d'un gigot de mouton, étaient rentrés à tire d'aile dans leurs pays respectifs, que tout ce qui s'y trouvait, hommes et chevaux, était en marche vers la France.
Nous entendîmes parler aussi de grands rassemblements, de grandes revues de troupes, qui avaient lieu à Paris.
Puis on nous dit que Wellington était dans les Pays-Bas, et que ce serait à nous et aux Prussiens à subir le premier choc.
Le gouvernement embarquait des hommes et des hommes, aussi vite qu'il pouvait.
Tous les ports de la côte Est étaient bondés de canons, de chevaux, de munitions.
Le trois juin, nous reçûmes à notre tour notre ordre de mise en marche.
Le soir même, nous nous embarquâmes à Leith, et nous arrivâmes à Ostende le lendemain au soir.
C'était le premier pays étranger que je voyais.
Il en était d'ailleurs de même pour la plupart de mes camarades, car il y avait surtout des jeunes soldats dans les rangs.
Je crois revoir encore les eaux bleues, les lignes courbes des vagues du ressac, la longue plage jaune, et les bizarres moulins qui pivotent en battant des ailes, chose qu’on chercherait vainement d'un bout à l’autre de l’Écosse.
C'était une ville propre, bien tenue, mais la taille y était au- dessous de la moyenne, et on n'y trouvait à acheter ni ale ni galettes de farine d'avoine.
De là nous nous rendîmes dans un endroit nommé Bruges, puis de là à Gand où nous fûmes réunis avec le 52ème et le 95ème, deux régiments qui, avec le nôtre, formaient une brigade.
C'est une ville étonnante, Gand, pour les clochers et les constructions en pierre.
D'ailleurs, parmi toutes les villes que nous traversâmes, il n'en était guère qui n’eût une église plus belle qu'aucune de celles de Glasgow.
De là nous marchâmes sur Ath, petit village situé sur une rivière ou plutôt sur un filet d'eau qui se nomme le Dender.
Nous y fûmes logés surtout dans des tentes, car il faisait un beau temps ensoleillé, et toute la brigade fut occupée du matin au soir à faire l'exercice.
Nous étions commandés par la général Adams, nous avions pour colonel Reynell, mais ce qui nous donnait le plus de courage, c'était de songer que nous avions pour commandant en chef le Duc, dont le nom était comme une sonnerie de clairon.
Il était à Bruxelles avec le gros de l'armée, mais nous savions que nous le verrions bientôt s'il en était besoin.
Je n'avais jamais vu autant d'Anglais réunis, et je dois dire que j'éprouvais quelque dédain à leur égard, comme cela se voit toujours chez les gens qui habitent aux environs d'une frontière. Mais les deux régiments qui étaient avec nous étaient dans d'aussi bons rapports de camaraderie qu'on pouvait le souhaiter.
Le 52ème avait un effectif d'un millier d'hommes, et comptait beaucoup de vieux soldats de la Péninsule.
Le 95ème régiment se composait de carabiniers, et ils avaient un habit vert au lieu du rouge.
C'était chose étrange que de les voir charger, car ils entouraient la balle d'un chiffon graissé, et la faisaient entrer avec un maillet, mais aussi ils tiraient plus loin et plus juste que nous.
Toute cette partie de la Belgique était alors couverte de troupes anglaises, car la Garde y était aussi, aux environs d’Enghien, et il y avait des régiments de cavalerie, de notre côté, à quelque distance.
Comme vous le voyez, Wellington était obligé de déployer toutes ses forces, car Boney était derrière son rideau de forteresses, et naturellement nous n'avions aucun moyen de savoir par quel côté il déboucherait.
Toutefois on pouvait être certain qu'il arriverait par où on l'attendrait le moins.
D'un côté, il pouvait s'avancer entre nous et la mer, et nous couper ainsi de l'Angleterre; d'un autre côté, il était libre de se glisser entre les Prussiens et nous. Mais le Duc était aussi malin que lui, car il avait autour de lui toute sa cavalerie et ses troupes légères déployées comme une vaste toile d'araignée, de telle sorte que dès qu'un Français aurait mis le pied par-dessus la frontière, le Duc était en mesure de concentrer toutes ses troupes à l'endroit convenable.
Pour moi, j'étais fort heureux à Ath, où les gens étaient pleins de bonté et de simplicité.
Un fermier nommé Bois, dans les champs duquel nous étions campés, fut un excellent ami pour la plupart de nous.
À nos moments perdus, nous lui bâtîmes une grange de bois, et plus d'une fois, moi et Job Seaton, mon serre-file, nous avons mis son linge à sécher sur des cordes: on eut dit que l'odeur du linge humide avait plus que tout autre chose le don de nous reporter tout droit à la pensée du foyer domestique.